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Bonjour, c’est Aliénor Carrière,
Je suis journaliste et documentariste indépendante. J’aime enquêter sur ce qui a été effacé, oublié, ou rendu invisible : les féminicides d'inconnues, les violences dans le monde humanitaire, ou encore les stérilisations forcées des femmes handicapées en Europe... Et parfois, mes récits journalistiques empiètent sur ma propre vie.

Mon article dans Kometa : “Trouver Sergueï”


Dans Kometa, je raconte une quête intime : retrouver la trace de Sergueï, mon frère d’accueil ukrainien que j’avais perdu de vue depuis vingt ans. Nous étions enfants quand il est arrivé dans ma famille, grâce à un programme humanitaire post-Tchernobyl. Puis, après ses 18 ans, plus rien. Jusqu’au jour où la guerre m’a poussée à le rechercher. C’est donc l’histoire de retrouvailles presque impossibles, de silences douloureux, de messages nocturnes sur Telegram… et d’un lien qui survit à l’épreuve du temps, de la distance, et de la guerre. 

Écrire ce texte a été vertigineux : comment rester authentique, sincère, sans se dévoiler complètement, par pudeur ? Comment trouver la bonne distance, sans risquer de mettre en danger mon frère ? Heureusement pour nous, il y a 1,2 million de Sergueï (ou devrais-je dire de “Serhii”, son prénom ukrainisé) dans son pays – ça explique peut-être pourquoi j'ai mis tant d'années à lui mettre la main dessus.

J'ai par ailleurs obtenu cette année la bourse Albert Londres (catégorie podcast) pour mon travail sur Sergueï, qui donnera lieu à deux documentaires sonores dont le premier sera diffusé sur Arte Radio.

Janvier 1996. Galette des rois avec mon « frère » Sergueï, dans la maison familiale, au Chesne, dans les Ardennes.

Un article à retrouver dans le Kometa 9 Ce que raconteront nos enfants.

La date qui m’a marquée

28 février 2014 : la Crimée est envahie par l’armée russe, amorçant l’annexion de la péninsule et basculant l’Ukraine dans une spirale géopolitique, qui nous dépasse Sergueï et moi. Je me préparais à passer les écoles de journalisme. De là, je me suis mise à le chercher, en vain, sur les réseaux sociaux.


L’info que j’ai retenue pour vous

Il paraît que l'Europe a un plan pour “l'Après”. Vous savez, le plan d'après la guerre, l'invasion, les massacres. Début septembre, Ursula von der Leyen a indiqué que des “plans assez précis” sont en cours d’élaboration pour instaurer une force multinationale post-conflit, avec l’aval de Donald Trump – celui qui devait arrêter la guerre en 24 heures, au grand dam de millions d'Ukrainiens, qui y croyaient sans y croire. Comme mon frère. Bref, nos diplomates sortent les grands mots depuis cet été : “garanties de sécurité”, “coalition des volontaires”, et même “soldats européens en Ukraine”... idée-kryptonite qui a bien sûr fait fuir les Allemands.

Le seul truc que j'accorde à Mme von der Leyen, c'est la lucidité de cette phrase : « Poutine n'a pas changé, c'est un prédateur. » Donc acte ?


Une raison d’espérer

Enfin, une fissure, dans l'image proprette du président ukrainien – celle véhiculée en Europe occidentale du moins. Fin juillet 2025, des milliers de jeunes Ukrainiens sont descendus dans la rue après que le Parlement a voté la suppression de deux agences anticorruption. Pour elles et eux, c’était trahir l’héritage de Maïdan, renoncer à l’espoir d’un État plus juste, loin des réflexes à la russe. Début août, leur mobilisation a fait reculer le pouvoir and I think that's beautiful : sous la pression, les députés ont rétabli l’indépendance des agences – fort utiles dans un pays gangréné par la corruption. 

En pleine guerre, ce sursaut citoyen me rappelle que la société civile ukrainienne garde des moyens de pression sur le pouvoir en place. Et comme dirait mon frère en réaction à tout cela : “N'oublions pas que l'actuel président de l'Ukraine n'est pas seulement un clown… mais aussi un acteur .”


Le film que je recommande

Son titre en anglais est une petite merveille : Songs of Slow Burning Earth est un documentaire d'Olha Zhurba, vu au Fipadoc cette année, bientôt sur ARTE. En français, Ukraine. La guerre, ordinaire a été coproduit par plusieurs sociétés de prod européennes, et fait partie du programme “Génération Ukraine” d'Arte, au même titre que l'excellent Interceptés que vous connaissez déjà peut-être.

Songs of Slow Burning Earth est un journal audiovisuel suivant la plongée de l’Ukraine dans les abysses des deux premières années de l’invasion russe. Sans voix off, mais à travers des lieux, des visages, quelques témoignages, des bruits d'obus et des silences, la réalisatrice montre comment la guerre s’est imposée comme une norme. 

Le voir a été pour moi une expérience intime et troublante : j’y ai reconnu, de l’intérieur, des moments que mon frère Sergueï a lui aussi traversés. Ce film m’a permis d’approcher, par l’image et le son, une part de son quotidien assiégé, que nos échanges seuls ne pouvaient restituer. Et dans ce désastre collectif, j’ai aussi perçu l’émergence d’une génération qui, comme lui, tente malgré tout d’imaginer un futur.

Le 14 septembre 2024, dans la région de Tchernihiv, en Ukraine. Kostiantyn Liberov


Une phrase qui me questionne

Was ich nicht weiß, macht mich nicht heiß” (“Ce que je ne sais pas, ne me met pas en colère”

Proverbe allemand, repris par Goethe, mantra d'enfance, hymne au lâcher-prise, et à la politique de l'autruche... disons qu'il a ses limites. Surtout en temps de guerre, ou de génocide.

La "reko" de Kometa

Gaza, Vie, un témoignage intime et bouleversant de la guerre, à travers les yeux d’un père.

Dès le 7 octobre 2023, Rami Abou Jamous, journaliste palestinien basé à Gaza, également fixeur pour de nombreux médias, témoigne de sa vie, de celle de sa femme et de leur fils Walid, âgé de moins de trois ans, cherchant à créer une bulle protectrice — transformer les bombardements en “feux d’artifice”, rebaptiser une tente “la Villa” – pour que l’enfant garde une innocence.  Son récit intime ne cache rien de l’horreur : destructions massives des hôpitaux et des écoles, exodes forcés, faim, insécurité, mort de proches.  Pourtant Gaza, Vie est aussi un récit de résistance : rester, malgré tout, sans haine, pour raconter cette prison à ciel ouvert, fermée aux journalistes internationaux.

Comme dans le film La vie est belle, de Roberto Benini, on lit dans ses mots le poids de la responsabilité paternelle : mentir ou enjoliver la réalité pour protéger, inventer un quotidien rassurant pour un enfant au milieu du chaos. Dans un groupe whstapp qui réunit plus de 250 journalistes ou amis, Rami continue de donner chaque jour des nouvelles de Gaza et de sa famille. Ses journées commencent par ce message : “Salut les amis. Toujours vivants.”

Retrouvez régulièrement les récits de Rami dans les numéros de Kometa.

A propos de Kometa

Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent.

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