La newsletter de Kometa devient La Comète : même éclat, nouvelle trajectoire. Cette semaine, on s’interroge sur ce que signifie vivre avec – avec les animaux, les montagnes, les forêts. Et si repenser notre place dans le monde était un geste politique ?  Quito, le chien de berger de Clara Arnaud. Les photos sont de l’autrice. |
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Bonjour, Je m’appelle Clara ArnaudJe suis écrivaine. À 21 ans, une traversée de l’ouest de la Chine en autonomie avec deux chevaux a changé ma vie. Je suis rentrée en écriture en marchant dans ces immensités. J’ai ramené de ce voyage initiatique un récit Sur les chemins de Chine. S’en sont suivies des années de voyages et d’expatriation, notamment en Chine, au Honduras, et en République démocratique du Congo. Fin 2021, j’ai posé mes bagages dans une petite maison de pierres sèches d’altitude en Ariège, tout au bout d’une route. J’y vis entourée de quelques humains et de beaucoup de bêtes, domestiques ou sauvages, dont les ours bruns – je suis chez eux avant d’être chez moi. Ils sont au centre de mon dernier roman et cinquième livre, Et vous passerez comme des vents fous. J’essaie d’écrire des histoires dans lesquelles toutes les manières d’êtres vivants soient représentées, des textes qui laissent la place aux montagnes, aux rivières, aux bêtes. Je suis convaincue que renouveler le regard que l’on porte sur la “nature” est un geste politique fort, en cela mes histoires le sont. |
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 | Clara Arnaud Écrivaine |
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Récit Quand nous faisions meuteJ’ai partagé ma vie durant sept années avec un petit chien de berger, Quito. Quand Léna Mauger, la rédactrice en chef de Kometa, m’a contactée, elle avait entendu parler de ce chien, qui m’accompagnait partout, y compris dans toutes les interventions publiques que je faisais. Il se trouve que c’était un animal très charismatique et sociable, qui a marqué beaucoup de gens. Il a été tué par deux congénères en décembre dernier, accident brutal qui m’a plongée dans un chagrin incommensurable et m’a obligée à repenser chaque geste de mon existence. J’ai pris cette proposition d’article comme une opportunité de m’interroger sur ce que la magnitude de cette perte racontait de la force de la relation que peuvent entretenir humains et chiens. J’ai eu envie d’écrire un texte qui soit à la fois intime, on parle bien de relation et donc d’une histoire singulière, mais aussi plus universel et politique. D’interroger ce qui se joue dans la vie partagée avec un être vivant avec lequel on est sommé de développer un autre langage. J’ai cherché à comprendre pourquoi le quotidien prosaïque avec ce chien, nos promenades, nos étreintes, nos codes, avait à ce point amplifié mon regard sur le monde alentour.
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L’actu que j’ai retenue En ce moment, j’écris un roman qui se déroule dans le Haut-Arctique (au Svalbard). Le 24 octobre, j’ai appris que l'administration Trump venait de finaliser des plans visant à ouvrir la plaine côtière du Refuge faunique national de l'Arctique en Alaska à d'éventuels forages pétroliers et gaziers. Cette décision ouvre la voie à des ventes de baux dans la plaine côtière du refuge, d'une superficie de 631309 hectares, une région considérée comme sacrée par les indigènes gwich'in, auxquels Nastassja Martin a d’ailleurs consacré un très beau livre, Les Âmes sauvages. Cette décision, si elle était mise en application, illustrerait tragiquement l’époque dans laquelle on vit. Cette région refuge, déjà largement fragilisée par le changement climatique, devrait être protégée davantage et non pillée. Mais l’ardeur des pillards, belle expression de Rimbaud reprise pour titre d’un essai d’Hicham-Stéphane Afeissa, semble n’avoir plus de limite. Ce n’est pas une information très optimiste, j’en conviens. |
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Une raison d’espérer Je vois beaucoup de raisons d’espérer dans le territoire où j’ai choisi de m’installer, le Couserans, ce petit bastion de montagnes raides, enforesté, très sauvage et enclavé au cœur des Pyrénées ariégeoises. C’est un territoire que d’aucun pourrait définir par la négative, manque de moyens, de services publics, de connexion, d’attractivité au sens économique du terme, et qui pourtant déborde de vie et d’initiatives. L’école du village le plus proche de chez moi est pleine, les associations vivent, la montagne a récemment gagné en biodiversité, l’agriculture y est vivrière et globalement respectueuse. Ici, s’invente des modes de vie sobres, faits de solidarité et de lien fort avec le milieu. Que cela existe me donne de l’espoir. C’est un contre-modèle réjouissant à celui qu’on tente de nous imposer.  Clara Arnaud et Quito. |
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Le livre que je recommande J’ai découvert récemment et sur le tard le grand écrivain américain Barry Lopez, en tout cas je ne l’avais jamais lu avant de me plonger dans Rêves arctiques (Gallmeister) qui est une merveille de sensibilité. Il raconte magnifiquement de quelle sorte les espèces arctiques se sont adaptées à un environnement âpre, du saule arctique qui rampe au sol à l’ours polaire, qui est un proche cousin de l’ours brun et pourtant si différent. |
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Une phrase qui m’inspire C’est une phrase d’un texte de Jean-Philippe Toussaint qui définit son expérience de l’écriture dans un texte intitulé L’Urgence et la Patience (POL). Lorsque j’écrivais mon deuxième roman, La Verticale du fleuve, qui a occupé quatre ans de ma vie – j'étais alors en Amérique centrale –, je l’avais collé au-dessus de mon bureau. Elle s’applique je crois à toute entreprise un peu exigeante, pas seulement l’écriture. “Il y a toujours en jeu, je crois, dans l’écriture, ces deux notions apparemment inconciliables: l’urgence et la patience. L’urgence, qui appelle l’impulsion, la fougue, la vitesse – et la patience, qui requiert la lenteur, la constance et l’effort.” |
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Un animal qui m’épate Je suis fasciné par le gypaète barbu, le plus grand vautours présent en France et que l’on peut observer en Ariège, notamment dans le massif où j’habite. D’abord parce que j’aime les vautours, l’ambivalence des sentiments qu’ils éveillent en nous. Je crois que le dégoût qu’ils ont pu ou peuvent susciter tient beaucoup au fait que l’on refuse de se vivre comme des corps, de la matière organique, de regarder en face cette réalité-là que la mort et la charogne nous impose. Les gypaètes sont les seuls oiseaux qui se nourrissent exclusivement d’ossements, ils sont les nettoyeurs majuscules. Après eux, il ne reste plus de trace d’une carcasse. Ils sont indispensables et participent au cycle du vivant, de la décomposition et la transformation de la matière – y compris quand elle a constitué un être vivant ! Ils sont gigantesques (entre deux et trois mètres d’envergure) et reconnaissables à leur ventre rouge dû aux bains d’eaux ferrugineuses qu’ils affectionnent. Et puis leur histoire est celle d’une réintroduction réussie en France après qu’ils avaient été massacrés. Et cela aussi donne de l’espoir.  © Lucas Casale |
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La “reko” de Kometa Cette semaine, on est heureux de vous parler d’un événement dont Kometa est partenaire : le festival Un Week-end à l’Est, ouvert depuis le 18 novembre et qui fait dialoguer Paris et Bucarest jusqu’au 1er décembre. Pendant deux semaines, le Quartier latin accueille projections, rencontres littéraires, expositions et concerts pour raconter la Roumanie d’aujourd’hui. Le parrain de cette 9ᵉ édition est Cristian Mungiu, palme d’Or 2007, dont nous publions un grand entretien dans le numéro 10 de Kometa. Avortements clandestins, compromissions familiales, corruption ou haine ordinaire : le réalisateur roumain filme là où ça fait mal et transforme chaque fait divers en radiographie implacable de la nature humaine.  Les rendez-vous à ne pas manquer : 📅 22 novembre, 17 heures — Présentation de Contes de l’âge d’or (1ʳᵉ partie) par Cristian Mungiu, projection suivie d’un échange animé par Kometa au Christine Cinéma Club 📅 29 novembre, 20 heures — Rencontre avec Mircea Cărtărescu, Ioana Pârvulescu et Matéi Visniec animée par notre rédactrice en chef Léna Mauger à La Maison de la Poésie. |
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Le jeu de la Comète La semaine dernière, vous avez voyagé avec La Comète jusqu’aux Pyrénées ariégeoises, à Mézerville, un petit village sauvage et enclavé près du Couserans. Vous y avez découvert l’univers de Clara Arnaud, qui a choisi de s’y installer. Bravo à celles et ceux qui ont trouvé la bonne réponse (c’était ardu...) ! 🌲 Pour cette nouvelle édition, La Comète s’apprête à vous faire traverser une autre région, un autre paysage, une autre histoire… Saurez-vous deviner où nous poserons nos prochaines traces ? 👀 Pour jouer, cliquez 👉 ici | | |
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