La newsletter de Kometa devient La Comète : même éclat, nouvelle trajectoire. Cette semaine, venez découvrir la condition animale avec Éric Baratay : une histoire à contre-courant, où les chevaux, les chiens, les pigeons et même les dauphins nous rappellent que les bêtes ont toujours été des acteurs involontaires de nos folies humaines.

Lors de la Grande Guerre, la cavalerie hippomobile était essentielle à l’armée française. © Don Vitse / Musée de la Grande Guerre, Meaux.

Bonjour, c’est Éric Baratay

Je suis historien, professeur à l’université de Lyon et membre senior de l’Institut Universitaire de France. Je travaille sur l’histoire des relations des humains et des animaux. J’ai d’abord travaillé le versant humain du sujet et, depuis une quinzaine d’années, le versant animal avec notamment Le Point de vue animal, une autre version de l'histoire (Seuil, 2012), Bêtes des tranchées, des vécus oubliés (CNRS Éditions, 2013) ou Biographies animales. Des vies retrouvées (Seuil, 2017). J’ai dernièrement dirigé la publication d’Une histoire animale du monde. À la recherche du vécu des animaux de l’Antiquité à nos jours (Tallandier, 2025).

Éric Baratay

Historien

Mon article dans Kometa

“Les animaux ne choisissent pas d’aller à la guerre” 

J’ai toujours été attiré par les animaux. Lorsque je me suis tourné vers l’histoire, une question s’est imposée à moi : pourquoi ne pas m’intéresser à la leur ? On savait déjà beaucoup de choses sur la manière dont les sociétés humaines les percevaient, les représentaient, les utilisaient. Mais sur les animaux eux-mêmes, sur leur expérience propre, presque rien. J’ai voulu combler ce vide, raconter ce que les bêtes avaient traversé (et traversent encore), du point de vue de leur vécu. 

Mon approche croise ainsi l’histoire et l’éthologie. Il ne s’agit pas de plaquer nos représentations humaines sur des espèces qui nous sont fondamentalement étrangères, mais d’adopter ce que j’appelle un anthropomorphisme de questionnement et tenter, avec rigueur et prudence, de se mettre à leur place. De restituer leur perception, leur ressenti. Mon objectif est de montrer que les animaux ont des cultures, qu’ils sont, eux aussi, acteurs de leur histoire.

Colombier militaire français. Les pigeons étaient indispensables aux transmissions en 1914-1918, et le resteront lors de la Seconde Guerre mondiale. © Jean-Léon Nicéphore / Musée de la Grande Guerre, Meaux.


30 millions d'ennemis ?

Les animaux ont tenu un rôle crucial dans les guerres humaines : les chevaux sans qui il n’y aurait pas de grands empires, les pigeons qu’on utilisait déjà dans l’Antiquité et qui ont encore joué un rôle important durant la Seconde guerre mondiale, au point même que certains furent décorés. Il y a aussi les éléphants – durant l’Antiquité mais aussi en Inde au XVIIIe siècle – et les dauphins, testés par les Russes et les Américains. 

Mais les premiers animaux à entrer dans le sillage des guerres humaines sont les chiens, domestiqués entre 15000 et 30000 ans avant notre ère. Les preuves tangibles de leur usage militaire remontent à l’Antiquité: chiens de garde, d’alerte, mais aussi de combat – moins pour blesser que pour désorganiser l’adversaire par la peur. Avec la généralisation des armes à feu au XVIe siècle, les chiens deviennent obsolètes sur les champs de bataille. Leur retour s’effectue au tournant du XXe siècle, à grande échelle. En 1914-1918, ils sont mobilisés comme auxiliaires sanitaires, éclaireurs, messagers. On les retrouve en 1939-1945, notamment dans les troupes américaines du Pacifique, chargés de détecter les embuscades japonaises dans la jungle.


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Le livre que je recommande

Céline, Nord  (1960).

Le plus beau livre de la seconde période (après-guerre) stylistique de Céline ; inventivité du style, ironie de la description d’une Allemagne en décomposition en 1944.

L’actu que j’ai retenue pour vous

La démonstration récente que les poissons ont des émotions et que les pins maritimes ont une mémoire.

En 2019, dans son récit-fiction “The Coast”, le photographe Sohrab Hura brouille les codes de la narration avec des moments capturés sur la côte indienne entre terre et mer. © Sohrab Hura

Une phrase qui m’inspire

“C’est le malheur du temps que les fous guident les aveugles.”

Shakespeare, “Le Roi Lear”, Acte IV, scène 1

Mon animal de cœur

Le chien pour des raisons familiales : souvenirs d’enfance, souvenirs avec ma fille, et aujourd’hui avec ma petite-fille.

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La "reko" de Kometa

Par Ella De Castro, journaliste alternante

Dans Le Regard perdu, À l’origine de l’art pariétal animal, Baptiste Morizot explore les origines de l’art rupestre à travers le concept de “jizz”, cette perception instantanée qui permet de saisir un animal en un regard, en captant sa silhouette et ses mouvements.

S’appuyant sur son expérience de pistage, l’écrivain et philosophe imagine comment les chasseurs-cueilleurs prolongeaient ce regard en voyant dans les reliefs et la lumière des grottes des formes animales qu’ils figeaient par le dessin ou la peinture. Pour lui, l’art préhistorique naît d’une attention fine au vivant et à la matière, transformant des impressions fugitives en images durables.

Poétique et rigoureux, cet essai nous invite à repenser notre manière de regarder le monde animal et l’art lui-même à travers le geste de ces “artistes premiers”, en redécouvrant et en tentant de réactiver leur regard perdu sur le monde qui les entoure.


Le jeu de la Comète

Il y a quelques jours, la Comète vous emmenait justement sur les traces du philosophe Baptiste Morizot, au cœur de l’un des plus célèbres parcs nationaux des États-Unis : Yellowstone. C’est là qu’il pratique l’art du pistage, à l’écoute du monde vivant et du passage des ours bruns. Bravo à celles et ceux qui ont reconnu ce lieu mythique !

Pour cette nouvelle édition, retour sur le Vieux Continent ! Alors, saurez-vous deviner où passe La Comète la semaine prochaine ? 👀

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