“Les animaux ne choisissent pas d’aller à la guerre”
J’ai toujours été attiré par les animaux. Lorsque je me suis tourné vers l’histoire, une question s’est imposée à moi : pourquoi ne pas m’intéresser à la leur ? On savait déjà beaucoup de choses sur la manière dont les sociétés humaines les percevaient, les représentaient, les utilisaient. Mais sur les animaux eux-mêmes, sur leur expérience propre, presque rien. J’ai voulu combler ce vide, raconter ce que les bêtes avaient traversé (et traversent encore), du point de vue de leur vécu.
Mon approche croise ainsi l’histoire et l’éthologie. Il ne s’agit pas de plaquer nos représentations humaines sur des espèces qui nous sont fondamentalement étrangères, mais d’adopter ce que j’appelle un anthropomorphisme de questionnement et tenter, avec rigueur et prudence, de se mettre à leur place. De restituer leur perception, leur ressenti. Mon objectif est de montrer que les animaux ont des cultures, qu’ils sont, eux aussi, acteurs de leur histoire.

Colombier militaire français. Les pigeons étaient indispensables aux transmissions en 1914-1918, et le resteront lors de la Seconde Guerre mondiale. © Jean-Léon Nicéphore / Musée de la Grande Guerre, Meaux.
30 millions d'ennemis ?
Les animaux ont tenu un rôle crucial dans les guerres humaines : les chevaux sans qui il n’y aurait pas de grands empires, les pigeons qu’on utilisait déjà dans l’Antiquité et qui ont encore joué un rôle important durant la Seconde guerre mondiale, au point même que certains furent décorés. Il y a aussi les éléphants – durant l’Antiquité mais aussi en Inde au XVIIIe siècle – et les dauphins, testés par les Russes et les Américains.
Mais les premiers animaux à entrer dans le sillage des guerres humaines sont les chiens, domestiqués entre 15000 et 30000 ans avant notre ère. Les preuves tangibles de leur usage militaire remontent à l’Antiquité: chiens de garde, d’alerte, mais aussi de combat – moins pour blesser que pour désorganiser l’adversaire par la peur. Avec la généralisation des armes à feu au XVIe siècle, les chiens deviennent obsolètes sur les champs de bataille. Leur retour s’effectue au tournant du XXe siècle, à grande échelle. En 1914-1918, ils sont mobilisés comme auxiliaires sanitaires, éclaireurs, messagers. On les retrouve en 1939-1945, notamment dans les troupes américaines du Pacifique, chargés de détecter les embuscades japonaises dans la jungle.
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