Par Haydée Sabéran, rédactrice en chef adjointe

Dans « Une vie ordinaire », Katia et Youliya redécouvrent leur liberté, volée dès le plus jeune âge. — © Alexander Kusnetsov
Une vie ordinaire, un film documentaire d'Alexander Kuznetsov
« Quand tu seras grand, tu partiras à la guerre, dit Youlia à son fils, le nourrissant à la becquée. On te félicitera, l’orchestre jouera en ton honneur. » À la télé, défilé militaire, sur la Place Rouge. C’est le 9 mai, la commémoration de la victoire sur le nazisme.
Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, je me demande souvent ce qui se passe dans la tête des Russes. Anna Colin Lebedev, sociologue et membre du comité consultatif de Kometa, qui observe depuis des années la « brutalisation » de la société russe et ce glissement vers la glorification de la guerre, m’a conseillé Une vie ordinaire, du documentariste russe Alexander Kuznetsov, en salles mercredi prochain. Un film très Kometa : il nous fait vivre d’autres vies que les nôtres.
C’est l’histoire, racontée avec douceur, de Katia et Youlia. Elles se rencontrent en hôpital psychiatrique, placées là par erreur après l’orphelinat. Elles réussissent à sortir en 2015, après six ans de recours, tombent amoureuses, fondent une famille. Mais sortant de l’asile, dit la voix de Kuznetsov, elles rentrent dans un autre asile de fous : la Russie de Poutine.
Le film commence avec des images de manifs antiguerre, le 24 février 2022. Il se termine avec des spectacles militaires, dont raffolent Katia et Youlia. Kuznetsov, qui filme ces femmes depuis presque quinze ans, dénonce sans hurler. En nous laissant les aimer.
Une vie ordinaire d'Alexander Kusnetsov, 1h34, en salles le 29 octobre 2025