Chaque semaine, La Comète prend une nouvelle direction et illumine les recoins de dissidence et de liberté. Pour la dernière newsletter de 2025, le grand écrivain ukranien Andreï Kourkov parle des effets pervers de la guerre sur l’environnement et ses autres victimes oubliées que sont les animaux.

Bonjour, c’est Andreï Kourkov,

Je suis un romancier ukrainien, j’écris en russe et en ukrainien. Je suis né à Leningrad (Saint-Pétersbourg) en 1961 et j’ai grandi à Kyiv, la capitale de l’Ukraine. De 2018 à 2022, j’ai présidé le PEN club de mon pays. J’ai écrit plus de vingt livres, parmi lesquels Le Pingouin (1996, traduit dans 43 langues), Journal de Maïdan (2014), Vilnuis, Paris, Londres (2016), Les Abeilles grises (2018, prix Medicis étranger 2022), tous publiés en français chez Liana Levi, et plus récemment Journal d’une invasion (Noir sur blanc, 2023), qui va connaître un second tome en février 2026, Notre guerre quotidienne.

Andreï Kourkov

Auteur ukrainien

Mon récit dans Kometa

Aux animaux la guerre

L’invasion russe en Ukraine n’affecte pas que les personnes prises au piège des missiles, des drones et de l’artillerie. Elle modifie la qualité de vie, mais aussi celle de l’air, du sol et de l’eau. Ses victimes ne sont pas seulement les êtres humains, mais également le monde vivant et non vivant qui nous entoure. Dans mon article pour Kometa, j’analyse comment la guerre a bouleversé la vie des animaux, domestiques et sauvages, en Ukraine.

On a souvent tendance à mesurer la guerre au nombre de maisons, de villes et de villages détruits, au nombre de soldats et de civils tués. Mais elle se mesure aussi aux dommages infligés à la planète Terre elle-même. Au Moyen Âge, les humains étaient moins en capacité d’infliger aux animaux ou à la flore, les ravages qu'ils causent aujourd'hui avec les armes de destruction massive, les armes chimiques, et tout simplement les missiles et drones surpuissants capables de brûler et de détruire toute vie dans leur rayon d'action.


Des centaines de Bakhmout

En 2023, je me souviens d’avoir vu s’arrêter dans le quartier du Podil, à Kyiv, un autocar rempli de chiens et de chats rapportés de la zone des combats. Des volontaires étaient partis les récupérer sous les tirs d’artillerie dans les villages abandonnés et en ruine. Ils les ramenaient à la capitale dans l’espoir de dénicher de nouveaux maîtres. Devant le véhicule se forma tout de suite une file de plusieurs dizaines de personnes. Tous les chiens et les chats trouvèrent preneur.

J’ai plusieurs fois rencontré des chiens ramenés de la zone des combats et baptisés en l’honneur des villes d’où ils venaient : Bakhmout, Marik (pour Marioupol)… La majorité de ces bêtes, en plus d’une nouvelle vie, reçoivent de nouveaux noms, car on ignore comment leurs maîtres disparus les appelaient. On ne saurait pour autant accuser ces derniers de cruauté ou d’indifférence. Au début de la guerre, on ne laissait pas les personnes évacuées monter dans les cars ou les trains avec leurs animaux de compagnie.

Ferme de Zelenyi Hai, dans la région de Dnipropetrovsk, dans l'est de l'Ukraine. Igor, 8 ans, s'est rendu avec ses parents pour une visite guidée dans ce lieu devenu un refuge pour les animaux évacués des zones de conflit à travers le pays. © JĘDRZEJ NOWICKI


L’harmonie par les bêtes

Les habitants qui fuyaient les régions menacées devaient choisir : rester chez eux avec leurs petits compagnons et risquer d’être tués, tenter de partir à pied avec eux, ou les abandonner. Plus tard, les règles ont été assouplies. À présent, quand on organise une évacuation, on propose aux habitants de l’est et du sud de l’Ukraine de prendre avec eux chiens et chats, et l’État ou les volontaires apportent une aide appropriée à ceux qui possèdent une ferme.

Les animaux ont toujours suscité et continuent de susciter en moi des émotions positives. Lorsque nous allons dans notre maison de campagne, les chats du voisin accourent aussitôt. Les chiens nous accueillent toujours de joyeux aboiements. La présence des animaux domestiques contribue à l'harmonie de la vie rurale. Pour ma part, je n’ai pas d'animaux de compagnie, car je voyage fréquemment. Mais sur mon ordinateur, que j'emporte toujours avec moi, je conserve des photos de tous les chiens et chats avec lesquels nous avons tissé des liens au village.


Le récit d’Andreï Kourkov, “En Ukraine, le miel et les abeilles”, est à retrouver dans le Kometa n°10

Une raison d’espérer

Le fait qu’après près de quatre ans de guerre intense, la Russie n’ait pas réussi à vaincre l’Ukraine est déjà une bonne raison d’espérer le meilleur et d’avoir confiance dans le fait que l’Ukraine ne perdra pas cette guerre.

Une citation qui vous inspire ?

Je ne peux pas dire que cette citation m’inspire, mais elle m’aide à mieux comprendre la réalité. Et elle ne concerne pas seulement l’Ukraine :

“Parfois les légendes se font réalité et deviennent plus utiles que les faits.” 

Salman Rushdie, “Les Enfants de minuit”

Un animal totem ?

Le pingouin. Je n'en reviens toujours pas que mon livre le plus célèbre reste Le Pingouin. Quand mes enfants étaient petits, mes lecteurs et mes éditeurs nous offraient, à eux comme à moi, des pingouins en peluche, en céramique, en porcelaine et même en acier. Micha le pingouin est devenu mon emblème.

Un livre que je recommande

J’ai récemment lu avec grand plaisir le nouveau roman d’Olivier Norek, Les Guerriers de l’hiver. Il est très rare qu’un auteur de romans policiers français écrive soudainement un roman sur la Finlande et des événements historiques précis. J’ai dévoré le livre en deux jours.

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La “reko” de la rédak

“Le voyage en Ukraine”, jusqu’au 31 mars 2026

Andreï Kourkov figurait parmi les invités prestigieux – et en présence de la Première dame d’Ukraine, Olena Zelenska – qui, le 1er décembre, ont ouvert au Théâtre de la Ville, à Paris, la Saison de l'Ukraine en France, intitulée Le Voyage en Ukraine. Une programmation qui s’articule autour d’une cinquantaine d’événements sur tout le territoire hexagonal jusqu’en mars 2026, avec un fil rouge: “la culture contre-attaque!”

Temps forts à venir : du 28 janvier au 1er février à La Friche la Belle de Mai à Marseille, pour échanger avec des acteurs culturels ukrainiens de premier rang et goûter à différentes saveurs artistiques et culinaires du pays ; en janvier et février, “De Kharkiv à Lille, la culture en résistance”: soirée littéraire, rencontre à Sciences Po Lille, soirée à l’opéra et concert, expo photo, cinéma…; en février à Metz, “Undiscovered Ukraine. Ce que l’Europe ne voit pas encore”, un projet décliné en trois événements qui invite le public à découvrir des dimensions méconnues, fragiles ou invisibles de l’Ukraine contemporaine; “Ukraine Digitale”, soirée de clôture à la Gaîté Lyrique, à Paris, mettant à l’honneur la création numérique et la musique électro.

Pour en savoir plus sur la programmation, rendez-vous sur le site de l’Institut ukrainien, co-organisateur de l’événement avec l’Institut français : https://fr.ui.org.ua/lveu-programme-copy/lveu-programme/

Avec vous, La Comète file le parfait amour ! Toute l’équipe de Kometa vous remercie de votre fidélité et vous souhaite une très bonne fin d’année. Prochain rendez-vous le 8 janvier, avec l’annonce de notre premier numéro de 2026.  

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