Kometa

Bonjour, c’est Lionel Duroy

À 19 ans, fuyant une famille de dix enfants malmenée par les huissiers et une mère suicidaire, je voulais être écrivain, essentiellement pour me venger de la cruauté du monde. Je suis devenu journaliste, à Libération, puis à L’Événement du jeudi, faute d’avoir su convaincre un éditeur de me publier. Ainsi, j’ai pu monter dans un avion pour la première fois et découvrir le monde : l’Algérie, le Tchad, la Nouvelle-Zélande, la Russie, l’Inde, la Colombie, les pays de l’ex-Yougoslavie en guerre, etc. 

Puis, enfin, j’ai rencontré mon éditeur, Bernard Barrault, et pu écrire mon premier roman, Priez pour nous, publié en 1990. Il était temps : je me surprenais à pleurer silencieusement de ne pas pouvoir passer mes journées à écrire. 

Depuis, je ne fais plus que ça, alternant récits intimes, tels Le Chagrin, Nous étions nés pour être heureux, ou L’Homme qui tremble, et romans sur notre sidérante inhumanité, tels Eugenia, construit autour du pogrom de Iaşi (Roumanie) en juin 1941, ou L’Hiver des hommes, autour des criminels de guerre.

Mon article dans Kometa:
“Un mal irréparable”

Le texte publié dans la rubrique «Pages choisies» du Kometa 8 est un extrait de mon dernier roman, Un mal irréparable, dont la parution est prévue le 20 août prochain chez Mialet-Barrault.

Un mal irréparable raconte la déportation dans le Bărăgan, la «Sibérie roumaine», de 44 000 villageois, nourrissons et vieillards compris. L’opération, voulue par les communistes qui viennent de prendre le pouvoir en Roumanie, se déroule en une seule nuit, à la Pentecôte 1951. Les déportés n’ont rien fait de mal, mais ils ont le tort d’habiter le Banat, sur les collines qui surplombe le Danube, et les autorités de Bucarest les soupçonnent par avance de fraterniser avec les communistes yougoslaves du maréchal Tito qui vivent de l’autre côté du fleuve. Ces derniers ont rompu avec Staline, tandis que la Roumanie prend ses consignes à Moscou.

Le narrateur du roman, Friedrich Riegerl, est âgé de 2 ans lorsque ses parents et lui sont embarqués dans un convoi de wagons à bestiaux. Les premiers temps, les gens s’enterrent, pour échapper à la chaleur et au vent, car il n’y a rien dans le Bărăgan, seulement un poteau par famille dont on ne doit pas s’éloigner sous peine d’être abattu. Les vieillards et les enfants commencent à mourir. Puis les gens se construisent des masures pour survivre au premier hiver. 

1954. La famille Bradáč, déportée de Gârnic, dans le Județ (département) de Caraș-Severin, à Ezeru, dans le Bărăgan. © Rostislav Sima / Association des anciens déportés du Bărăgan.

Une question obsédante

Les Riegerl vont passer cinq années dans ce désert avant d’être libérés et de pouvoir rejoindre la France. Alors, pour lui permettre de bien grandir, ses parents vont s’efforcer de faire oublier à Friedrich, devenu Frédéric, ce qu’ils ont vécu ensemble dans ce camp. Lycéen à Paris, puis étudiant, il va se passionner pour l’Amérique, devenir écrivain et connaître un certain succès. Mais quelle aurait été sa vie s’il avait su la vérité ? Cette question ne va plus cesser de l’obséder.

J’ai découvert cette déportation de masse il y a une dizaine d’années tandis que je préparais l’écriture d’Eugenia. De même que la plupart des Roumains ignoraient l’existence du pogrom de Iaşi, la plupart d’entre eux ignorent la tragédie du Bărăgan. En quarante années de pouvoir, les communistes se sont efforcés de récrire l’histoire et d’effacer tout ce qui aurait pu contrarier leur image et celle de la Roumanie.


“Un mal irréparable”, un récit à retrouver dans le numéro 8 de Kometa :

https://kometarevue.com/numero/guide-de-survie-dans-un-monde-sans-democratie

L’info que j’ai retenue pour vous 

La réélection de Maia Sandu à la présidence de la République de Moldavie le 3 novembre 2024. J’ai passé l’automne en Moldavie et suivi la campagne pour consacrer un roman à ce pays infiltré par Moscou. Je suis en admiration devant le courage de cette femme.


L’œuvre qui m’a marqué

En ces temps de banalisation des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, lire ou relire Retour à Lemberg, de Philippe Sands – éclairant, lumineux et déchirant.


Une raison d’espérer

Les âneries de Trump qui devraient finir par décourager ses disciples, tant aux États-Unis que dans le reste du monde.


Trois livres que je recommande

Puisque c’est le retour de la guerre en Europe, trois livres magnifiques :

Jan Karski, Mon témoignage devant le monde (Robert Laffont)

Edgar Hilsenrath, Nuit (Le Tripode)

Stig Dagerman, Automne allemand (Actes Sud)


Une phrase qui m’inspire

« Heureux qui sait écrire et dévorer ainsi ce qui le dévore. » 

Paul Gadenne, La Plage de Scheveningen, Gallimard (1952)

A propos de Kometa

Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. La revue fête sa première année et grandit grâce à vous, en passant de 4 à 6 numéros par an en 2025.

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