Mon article dans Kometa:
“Un mal irréparable”

Le texte publié dans la rubrique «Pages choisies» du Kometa 8 est un extrait de mon dernier roman, Un mal irréparable, dont la parution est prévue le 20 août prochain chez Mialet-Barrault.
Un mal irréparable raconte la déportation dans le Bărăgan, la «Sibérie roumaine», de 44 000 villageois, nourrissons et vieillards compris. L’opération, voulue par les communistes qui viennent de prendre le pouvoir en Roumanie, se déroule en une seule nuit, à la Pentecôte 1951. Les déportés n’ont rien fait de mal, mais ils ont le tort d’habiter le Banat, sur les collines qui surplombe le Danube, et les autorités de Bucarest les soupçonnent par avance de fraterniser avec les communistes yougoslaves du maréchal Tito qui vivent de l’autre côté du fleuve. Ces derniers ont rompu avec Staline, tandis que la Roumanie prend ses consignes à Moscou.
Le narrateur du roman, Friedrich Riegerl, est âgé de 2 ans lorsque ses parents et lui sont embarqués dans un convoi de wagons à bestiaux. Les premiers temps, les gens s’enterrent, pour échapper à la chaleur et au vent, car il n’y a rien dans le Bărăgan, seulement un poteau par famille dont on ne doit pas s’éloigner sous peine d’être abattu. Les vieillards et les enfants commencent à mourir. Puis les gens se construisent des masures pour survivre au premier hiver.

1954. La famille Bradáč, déportée de Gârnic, dans le Județ (département) de Caraș-Severin, à Ezeru, dans le Bărăgan. — © Rostislav Sima / Association des anciens déportés du Bărăgan.
Une question obsédante
Les Riegerl vont passer cinq années dans ce désert avant d’être libérés et de pouvoir rejoindre la France. Alors, pour lui permettre de bien grandir, ses parents vont s’efforcer de faire oublier à Friedrich, devenu Frédéric, ce qu’ils ont vécu ensemble dans ce camp. Lycéen à Paris, puis étudiant, il va se passionner pour l’Amérique, devenir écrivain et connaître un certain succès. Mais quelle aurait été sa vie s’il avait su la vérité ? Cette question ne va plus cesser de l’obséder.
J’ai découvert cette déportation de masse il y a une dizaine d’années tandis que je préparais l’écriture d’Eugenia. De même que la plupart des Roumains ignoraient l’existence du pogrom de Iaşi, la plupart d’entre eux ignorent la tragédie du Bărăgan. En quarante années de pouvoir, les communistes se sont efforcés de récrire l’histoire et d’effacer tout ce qui aurait pu contrarier leur image et celle de la Roumanie.
“Un mal irréparable”, un récit à retrouver dans le numéro 8 de Kometa :

L’info que j’ai retenue pour vous

La réélection de Maia Sandu à la présidence de la République de Moldavie le 3 novembre 2024. J’ai passé l’automne en Moldavie et suivi la campagne pour consacrer un roman à ce pays infiltré par Moscou. Je suis en admiration devant le courage de cette femme.
L’œuvre qui m’a marqué
En ces temps de banalisation des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, lire ou relire Retour à Lemberg, de Philippe Sands – éclairant, lumineux et déchirant.
Une raison d’espérer
Les âneries de Trump qui devraient finir par décourager ses disciples, tant aux États-Unis que dans le reste du monde.
Trois livres que je recommande
Puisque c’est le retour de la guerre en Europe, trois livres magnifiques :
Jan Karski, Mon témoignage devant le monde (Robert Laffont)
Edgar Hilsenrath, Nuit (Le Tripode)
Stig Dagerman, Automne allemand (Actes Sud)

Une phrase qui m’inspire
« Heureux qui sait écrire et dévorer ainsi ce qui le dévore. »
Paul Gadenne, La Plage de Scheveningen, Gallimard (1952)