Mon article dans Kometa : Amour, sexe et Terre promise.

L’intime est politique et il permet d’aborder les choses sous un angle différent. Y compris lorsque l’on parle d’Israël-Palestine. C’est ce constat qui, avant mon départ en décembre 2020, m’a donné envie de raconter le « conflit » et les sociétés israélienne et palestinienne sous le prisme de l’amour. Dans la bande dessinée Amour, sexe et Terre promise, je raconte l’histoire de seize femmes et hommes, Palestiniens et Israéliens, dont les désirs sont contraints et qui, pour pouvoir les vivre pleinement, s’affranchissent de leur groupe et passent une frontière, qu’elle soit religieuse, culturelle ou faite de béton.
“Des histoires littéralement incroyables”
Pour Kometa, j’évoque ainsi le couple très médiatique Lucy Aharish et Tsahi Halevi. Elle est musulmane, palestinienne avec la nationalité israélienne, et surtout journaliste reconnue de la télévision israélienne, s’exprimant en hébreu. Lui est juif et acteur à succès, connu pour son rôle dans la série Fauda, qui dépeint le quotidien d’une unité d’élite de l’armée israélienne.
Je parle aussi de Lana, une Palestinienne de nationalité israélienne, blonde aux yeux bleus qui, avant de se marier, sort avec des juifs israéliens en se faisant passer pour juive. Le jour où son frère l’a découvert, il n’a plus voulu lui adresser la parole. Quant à Samira Saraya, c’est une Palestinienne lesbienne qui vit un amour fou avec une soldate juive. Avec tout ce que cela peut avoir comme conséquences. «Je n’y suis pour rien si cette terre fait naître des histoires littéralement incroyables», m’a-t-elle confié.
Tous ces témoignages, je les ai récoltés avant le 7 octobre 2023 et le début des massacres à Gaza. En cela, ils racontent une période qui n’existe plus aujourd’hui.
Un article à retrouver dans le numéro 8 de Kometa

1954. La famille Bradáč, déportée de Gârnic, dans le Județ (département) de Caraș-Severin, à Ezeru, dans le Bărăgan. — © Rostislav Sima / Association des anciens déportés du Bărăgan.
L’info que j’ai retenue pour vous
Les pourparlers pour un nouveau cessez-le-feu à Gaza. Depuis la trêve de deux mois qui s’est terminée le 18 mars 2025 par la reprise des bombardements israéliens, aucune voie de négociation n’a pu aboutir entre Israël et le Hamas. Mais dimanche 6 juillet, l’Etat hébreu et le mouvement islamiste ont accepté d’entamer un nouveau cycle de négociations, provoquant un souffle d’optimisme à Gaza. A l’heure où j’écris ces mots, Benyamin Nétanyahou est à Washington pour en discuter. Après vingt mois de bombardements incessants et de privation de nourriture, les Gazaouis sont exsangues, épuisés et au bord de la famine.
La date qui m’a marquée
Les 23 et 24 octobre 2023.
En quelques heures, au moins 700 Palestiniens sont tués dans des bombardements israéliens. Ces deux dates restent à ce jour les plus meurtrières à Gaza depuis le début de la répression israélienne entamée le lendemain du massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023.
J’ai choisi ces deux jours mais j’aurais pu en choisir d’autres, tant l’armée israélienne multiplie depuis des mois les exactions contre les civiles gazaouis. A ce jour, plus de 57 000 Palestiniens ont été tués, dont une majorité de femmes et d’enfants.
Une raison d’espérer

Les actions concrètes en soutien aux Gazaouis. Je pense au Madleen, le bateau affrété par la coalition Flottille de la liberté à bord duquel se trouvaient notamment la députée franco-palestinienne (LFI) Rima Hassan et Greta Thunberg, la célèbre activiste pour le climat. Je pense aussi à la caravane « Soumoud » partie de Tunisie en direction de l’enclave palestinienne en juin dernier. Ces deux initiatives avaient pour but de briser le blocus de Gaza et ont échoué mais leur portée symbolique immense continue de raisonner encore aujourd’hui. Elles démontrent que l’espoir est dans l’action et que les sociétés civiles peuvent agir.
Le livre que je recommande

Eichmann à Jérusalem de Hannah Arendt. Le livre est une recension des cinq chroniques que la philosophe a tenu pour le New Yorker en 1963, lorsqu’elle suivit à Jérusalem le procès d’Adolf Eichmann, l’un des principaux organisateurs de la déportation des Juifs et donc de la Shoah.
Dans cet ouvrage, Hannah Arendt s’interroge notamment sur la banalité du mal. Comment de tels crimes peuvent-ils être commis par cet homme « de taille moyenne, mince, d’un certain âge, un peu chauve, myope », autrement dit tout à fait ordinaire ? Dans le contexte du génocide en cours à Gaza et alors que les massacres quotidien sont chroniqués autant par les victimes que ceux qui les perpétuent, il me semble intéressant de relire ce livre.
Une phrase qui m’inspire
“Ah Rita!
Qu’est-ce qui aurait pu éloigner mes yeux des tiens,
Hormis le sommeil
et les nuages couleur de miel,
avant ce fusil ?”
Mahmoud Darwich, Rita et le fusil, 1967