Kometa

Les démocraties ne se font pas la guerre entre elles, et dans les conflits avec les autocraties, elles finissent par l’emporter, écrivait Kant. La démocratie est un État de droit, et face à la perspective d’une guerre, ses citoyens sont plus raisonnables qu’un dictateur aux délires impériaux. Pour autant, même les pays se revendiquant de la démocratie ne sont pas à l’abri de dérives. C’est au nom de la démocratie que les États-Unis ont attaqué l’Irak, et au nom de son droit à se défendre qu'Israël détruit Gaza. La mauvaise nouvelle, c’est que trois humains sur quatre vivent désormais sous une autocratie : la planète entière se réarme.

Mais parfois, le miracle se produit. Au Bangladesh, des manifestants font tomber une dictatrice. En Chine, les informations interdites sont retransmises via un artiste installé en Italie. Au Soudan, des poèmes s’élèvent contre la violence et inspirent l’utopie. En Roumanie, la démocratie résiste à l’épreuve de l’ingérence russe. En Serbie, les étudiants malmènent le pouvoir. Kometa fait souffler des vents d’espoir. Des voies pour penser autrement, résister, contre-attaquer, saboter, se réjouir. La marraine de ce numéro, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani, a grandi dans la guerre. Elle qui dit avoir connu la mort avant la vie, et avoir a été sauvée par un autre miracle : l’amour. L’amour de l’art, l’amour de la liberté, l’amour tout court. Les autrices et auteurs écrivent pour aimer le monde d’aujourd’hui, pendant qu’il en est encore temps.

Léna Mauger, rédactrice en chef

AU SOMMAIRE

• « Je suis une fille de l’amour et de la guerre », une interview de Golshifteh Farahani, marraine du numéro.

• « Un mal irréparable », un extrait inédit du prochain roman de Lionel Duroy.

• En Israël, la guerre est une arme de séduction massive, par Federico Vespignani.

• « De l’Ukraine à la Palestine, l’occupation est un crime », une correspondance entre Artem Chapeye et Karim Kattan.

• En Ukraine, Kyiv kiffe l’amour, par Tetyana Ogarkova et Volodymyr Yermolenko.

• Noubia, ma tante prostituée dans l’Algérie coloniale, par Mohamed Bourouissa.

• Sur la piste des tueurs de Bonheur, par Léna Mauger.

• Les mariés de Sarajevo, par Sanela Klarić.

• Comment survivre dans un monde sans démocratie ? Chercheurs et activistes répondent :

- « Les animaux votent avec leurs pattes », une interview d’Odile Petit.

- « Défendre ce qu’on aime » Dominique Schnapper, interviewée par Laure Adler.



“Aimer, c’est résister”

L’actrice iranienne Golshifteh Farahani dit appartenir à une « génération brisée ». Fille de l’amour et de la guerre, elle a grandi avec la révolution et le conflit Iran-Irak. Exilée à Paris, elle défie le régime islamique à distance. Elle l’affirme : « La guerre, la dictature sont le territoire du mensonge. L’amour, celui de la vérité. »

En images : dans les pas de la jeunesse iranienne

Photographe iranien né en 1988, Hashem Shakeri travaillait en Afghanistan lors du meurtre de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022. Il rentre alors à Téhéran pour participer au mouvement «Femme, Vie, Liberté». Sa rencontre avec Reyhane, une jeune fille de 17 ans qui veut s’émanciper des diktats religieux, lui ouvre les portes de la «Gen Z». «Reyhane a profondément bouleversé les préjugés que j’avais sur ces adolescents. Alors que le soulèvement se poursuivait, j’ai commencé à chercher la révolution dans la vie de Reyhane et de sa génération. Car s’il n’y a pas encore eu de révolution politique, il y a eu un grand changement social. Et chaque famille a vécu une révolution.»


Sur Tinder, faites la guerre, pas l’amour

Pour trouver l’amour ou une relation d’un soir, des combattants israéliens déployés dans la bande de Gaza posent pour des applis de rencontre, armes à la main, au milieu des immeubles en ruine des civils palestiniens. Le photographe italien Federico Vespignani a passé des mois à chercher sur la Toile les profils et les images de trois mille d’entre eux, qui racontent la militarisation de la société israélienne et la déshumanisation des Palestiniens.


Un soldat nommé désir

Déserter. Fuir cette guerre insensée. Voilà le rêve du jeune Velibor Čolić, écrivain, quand il est enrôlé en avril 1992 comme soldat croato-bosniaque lors de l’invasion de la Bosnie par l’armée fédérale yougoslave. Sur les champs de bataille, fuir, c’est aussi se souvenir des étreintes amoureuses. Ou la libido comme résistance.


Les mariés de Sarajevo

Leur photo a fait le tour du monde. Sanela et Emir Klarić se sont mariés pendant le siège de Sarajevo, en 1995. Le photographe de Reuters Danilo Krstanović, décédé en 2012, a capturé ce moment. Sanela Klarić raconte les coulisses.


Amour, bordels et colonies

Prostituée dans l’Algérie coloniale, Noubia Meyer passait des armes aux combattants de l’indépendance. Elle a exercé à Paris, à Bruxelles puis en Allemagne, faisant vivre une partie de sa famille. Elle s’est confiée avant de mourir, en 2022 à 80 ans, à son neveu, l’artiste Mohamed Bourouissa.


“De l’Ukraine à la Palestine, l’occupation est un crime”

Les correspondances de Kometa sont nées du désir de faire dialoguer les écrivains. Originaire de Bethléem, le Palestinien Karim Kattan, avait été touché par une tribune d’intellectuels ukrainiens en soutien aux Palestiniens. Parmi les signataires, l’Ukrainien Artem Chapeye, engagé sur le front. Dans leurs échanges, il est question de marche à pied, d’invasions, de murs et d’une vallée disparue où l’on cueillait des roses sauvages.


Kyiv kiffe l’amour

Le couple d’universitaires et de journalistes ukrainiens Tetyana Ogarkova et Volodymyr Yermolenko racontent, depuis leur pays en guerre, des histoires d’amour.


Les tueurs de Bonheur

Valentina a grandi à Chtchastia, une ville ukrainienne du Donbass prise par les Russes, dont le nom signifie «bonheur ». Léna Mauger remonte la piste de ses tueurs, une plongée dans le gris de la guerre, entre désir de défendre sa patrie et compromissions avec l’occupant.


Résister, mode d’emploi

Les adversaires de la démocratie font sauter des digues. Populismes, trumpisme, «fake news» et manipulations ciblent la liberté, le respect du droit et des frontières. Mais il n’est pas temps de déprimer. Dominique Schnapper et Sophia Rosenfeld analysent l’état de la démocratie, l’éthologue Odile Petit explique comment les animaux la pratiquent. En prime, dix pistes pour résister comme au Bangladesh, en Serbie, en Syrie, au Soudan, en Chine, en Iran en Turquie et ailleurs.


En images : la révolte des jeunes serbes

Découverte sur Instagram, la photographe serbe Tijana Krupež a été happée par le mouvement étudiant prodémocratie et anticorruption qui secoue son pays depuis la mort de seize voyageurs dans l’effondrement d’un auvent dans la gare de Novi Sad le 1er novembre. Elle raconte: «Nous restons ces jours et ces nuits éveillés, en procédant à des roulements. Le temps qui passe est pour chacun d’entre nous rempli d’attention, d’harmonie, d’amour et de peur – et toutes les beautés qu’apportent ces moments de rassemblement sont si grandes que cela me semble être la huitième merveille du monde.»

Ce numéro 8 de Kometa, «Guide de survie dans un monde sans démocratie», est disponible en librairie et sur notre boutique kometarevue.com



La comète de la semaine

À écouter ce soir sur RFI, à 19h10 heure de Paris : Léna Mauger, rédactrice en chef de Kometa, intervient dans l'émission Accents d'Europe de Juliette Gheerbrant et Frédérique Lebel pour évoquer sa série en deux épisodes (parus dans les Kometa 6 et 8) «Les enfants perdus de Bonheur», sur une bande d'adolescents qui ont grandi dans la ville ukrainienne de Chtchastia, une ville du Donbass dont le nom signifie «Bonheur». Leurs destins croisés racontent dix ans d’invasion russe, une jeunesse fauchée par l’insatiable désir d’empire de Poutine.

A propos de Kometa

Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. En septembre 2025, la revue fête ses deux ans d'existence.

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